1 févr. 2017

Plaidoyer pour une politique environnementale efficace et pérenne à Madagascar

C'est à la vue d'une brume épaisse qui prenait la gorge de son goût âcre que les Malgaches ont pris conscience de la gravité des problèmes environnementaux qui pèsent sur leur pays. Ce jour-là, le dimanche 25 octobre 2015, à la suite d'une longue série de feux de brousse et au bout d'une seule journée sans vent, l'air sec de la capitale s'est empourpré pour n'offrir qu'une visibilité de quelques dizaines de mètres. Cette situation ne touche pas seulement la capitale puisque j'ai eu le temps de constater le long de la Route Nationale 7 cette teinte laiteuse qui enveloppait les paysages naturels dégarnis des Hautes Terres. Je me suis alors surpris à dire que mes enfants, qui sont aujourd'hui en bas âge, n'auront pas l'opportunité d'admirer la beauté naturelle du pays qui est le leur. 

Copyright : Brice Samsoudine. Tous droits réservés.
Un village dans la brume de fumée. Copyright : Brice Samsoudine
Identifier les causes du désastre écologique de Madagascar
Les feux de brousse pour le pâturage

Cela fait longtemps qu'il était temps de réagir de manière efficace, mais les politiques environnementales successives n'ont presque pas eu d'effet sur la pratique traditionnelle des feux de brousse, véritable fléau qui détruit à grand feu la Grande Île, autrefois sanctuaire naturel à la végétation luxuriante. La loi est claire, les pyromanes sont passibles de 5 à 10 ans d'emprisonnement, mais de mémoire, je n'ai jamais eu vent d'une condamnation à la suite du déclenchement d'un feu de brousse. 

Dernièrement, un article de Lexpressmada.com a signalé que le Premier Ministre, surement surpris par l'ampleur du phénomène, a décidé de punir les chefs des fokontany où les feux de brousse ont lieu si les auteurs ne sont pas livrés aux autorités. Cette mesure coercitive extrême souligne l'absence d'une véritable politique environnementale réfléchie et appliquée. Car il est clair que les mesures pénales ne sont jamais efficaces auprès d'un peuple qui n'a peu ou prou conscience des impacts à moyen et à long terme de leur action sur la nature. Ailleurs, ce sont les pompiers qui sont en oeuvre, ici, ce sont les chefs fokontany qui vont devoir subir. Pourquoi ne punirait-on pas non plus le ministre de l'Environnement ? Et il faut aussi noter que ce ne sont pas les seuls feux de brousse qui sont responsables de la dégradation de l'environnement et de l'atmosphère, car la confection du charbon de bois le long des routes nationales, occasionne autant de fumée, tout en réduisant de manière exponentielle le nombre d'arbres. 



Il est impossible de trouver des solutions sans avoir pu identifier les causes profondes du désastre écologique que subit la Grande Ile au cours des décennies qui se sont succédé. Pourquoi donc brûle-t-on ces dizaines d’hectares de forêts et de terres ? Les réponses à ces questions ont depuis longtemps été déterminés, mais il est impossible de savoir si elles ont été prises en compte dans la définition des politiques environnementales en vigueur dans le pays. 

Les pasteurs et les propriétaires de bovidés ont toujours usé des feux de brousse à l'orée de la saison des pluies pour disposer de jeunes pousses vertes où paîtront les animaux jusqu'au ravinement complet du sol par les eaux ruisselantes. Il n'a jamais été dans la culture du pasteur malgache de cultiver du fourrage, car cela les contraindrait à d'autres tâches que celui de l'élevage. Car il est de notoriété que le Malgache est paresseux. Le plus simple est alors, pour permettre à l'animal d'engraisser, de brûler les terres. 

Les feux de brousse pour gagner en superficie cultivable

La culture sur brûlis, que l'on appelle localement tavy, est une pratique ancestrale qui consiste à brûler une superficie afin de le cultiver. Les premières années, le rendement est bon, les plants profitant des cendres pour pousser dans les meilleurs conditions, et lorsque les nutriments seront épuisés, il est nécessaire de se déplacer, non sans avoir épuisé le sol qui ne pourra alors pas se régénérer. 



Le charbon de bois pour se faire de l'argent plus facilement

Le charbon de bois est la source d'énergie accessible pour la majorité des Malgaches avec le bois de chauffe, et les producteurs de cette denrée se multiplie le long de toutes les routes nationales. La multiplication de ces vendeurs de charbon, dont la très grande majorité opèrent de manière informelle, n'est pas uniquement motivée par la hausse de la demande et le prix exorbitant des autres sources d'énergie (gaz, alcool à brûler, pétrole lampant...). Il s'agit avant tout d'une source d'argent facile. La production du charbon est bien plus facile que la culture du riz, du manioc, des produits maraîchers. Il suffit pour cela de couper un arbre, de creuser un trou, de disposer les morceaux et de l'étuver par la suite pour quelques jours. Un seul arbre peut produire une dizaine de sacs qui seront par la suite vendus 6.000 ariary l'unité. L’appât de l'argent facile, dans un pays où la pauvreté est particulièrement mordante, ne saura être blâmable dans la mesure où l'Etat, premier responsable, ne dispose d'aucune politique durable, inclusive pour le développement des zones rurales. 

Copyright : Brice Samsoudine. Tous droits réservés.
La vente de charbon porte indéniablement atteinte à l'environnementCopyright : Brice Samsoudine

D'autres raisons moins avouables

Les nombreux voleurs de bétails, ces dahalo qui terrorisent le peuple, usent et abusent des feux de brousse pour effacer leur trace et retarder les éléments des forces de l'ordre qui peuvent éventuellement partir à leur poursuite. L'insécurité galopante participe ainsi à la dégradation de l'environnement. 

Les exploitants miniers artisanaux sont également des acteurs méconnus de la destruction de la couverture végétale. En effet, le carottage du sol où il est estimé contenir des ressources exploitables, une phase préalable de déboisement est nécessaire. Si le filon est confirmé, toute la zone est brûlée afin de faciliter l'exploitation. 



Faire de la politique environnementale un levier pour un développement durable et intégré

Il est clair que la simple politique coercitive est sans résultat face aux agissements conscients ou inconscients de cette population suicidaire. Incapable d'anticiper ce qui peux lui arriver dans les décennies vont suivre, elle considère les actes punitifs de l'Etat central et de ses représentants décentralisés comme une volonté de nuire à leur volonté de vivre selon le précepte de leurs ancêtre, plus facilement... 

L'interdiction de l'utilisation de sachets plastiques de moins de 50 microns d'épaisseur a été un grand pas pour la préservation de l'écosystème, mais cette mesure politique est également révélatrice d'un fait, les responsables n'ont prévu aucune mesure accompagnatrice, ce qui aura eu pour effet de mécontenter la population. Une habitude aussi ancrée que l'utilisation de ces sachets nécessite une éducation préalable aux alternatives, et non une simple campagne d'avertissements accompagnée de la litanie habituelle sur les amendes et autres pénalités.


La gestion durable de l'environnement ne doit pas être du seul ressort du ministère de l'Environnement, car les actions menées risquent fort de ne jamais porter leurs fruits. Il est nécessaire, voire primordial, de définir une politique transdisciplinaire qui inclura dans la politique de protection le volet éducatif, l'aspect sécuritaire et le développement économique. Si un seul de ces élément est lacunaire, le résultat sera celui d'un château de carte mal agencé. 



Le rôle majeur de l'éducation dans la politique environnementale

L'éducation est un levier de développement particulièrement puissant, mais éminemment onéreux qui ne préoccupe pas souvent les politiciens, sauf pour assurer l'essentiel.